T'aurais du voir le tableau. Le canapé pas

T'aurais du voir le tableau. Le canapé pas complètement dépliable, posé au milieu du studio photo envahi de trucs et de machins, vestiges de son travail et de toutes ses anciennes collaborations. Nous deux, collés l'un à l'autre sous la légère couverture, les pieds vers le bas, la tête dans un creux, encore habillés, la veste en guise d'oreiller. Il s'est vite endormi et moi non, alors j'ai fumé un truc à la lumière du fond d'écran animé, trouvant ça quand même marrant, de me retrouver à trente balais, à pisser dans le coin sombre d'un local poubelle avant de m'endormir dans une cave froide avec un garçon encore plus vieux et ivre que moi, ronflant calmement en me serrant fort dans ses bras.

Et puis c'est arrivé comme un éclair, j'ai revu le garçon d'avant, celui que j'ai aimé beaucoup trop, jouer sa scène dans ce décor si spécial. Sûr que les choses auraient pris une autre tournure. Nous aurions fini nus, certainement. Il aurait trouvé un tas de motivation pour expérimenter une de ses nouvelles perversions avec moi. Je n'ai pas pu techniquement me retourner pour faire passer l'idée mais elle est passée quand même au bout d'un moment. Avant même que j'aie pu déterminer si cette évocation me rendait plus triste ou plus excitée.

Ce matin, à sept heures, quand il m'a raccompagnée à mon vélo et qu'il a dit "à ce soir, sans faute" je me suis souvenue pourquoi j'étais là. Et pourquoi je serai là sans faute ce soir. En pédalant, j'ai presque senti, alors que je traversais le lac tout juste transformé en fleuve, que le garçon d'avant, celui que j'ai tant aimé, s'éloignait encore un peu plus, un petit peu plus de moi. Bientôt il ne sera plus que celui d'une autre.